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Le métier de professeur.e de Yoga, un métier de rêve ?

Updated: Nov 1, 2023

Difficile de ne pas faire une grimace préoccupée à : "Tu as fait quelle formation ? J'aimerais devenir professeur.e de Yoga moi aussi." Alors qu'en ville il semble que les outils du Yoga sont de plus en plus démocratisés, du moins dans la limite de la compréhension de leur fonction et intention, tout porterait à penser qu'il est facile de vivre de cette passion ou intérêt.


La réalité du terrain est tout autre.


Loin d'être rose bonbon et baignée d'arc-en-ciel, on parle ici de potentielle précarité, de brun out, d'un métier anxiogène. Es-tu vraiment prêt.e à lire cette facette peu marketée/connue du métier ?


Table des matières :

Le métier de professeur.e de Yoga

Une trop faible demande par rapport à l'offre de travail

Un secteur fermé

Le titre d'auto-entrepreneur.se

Les revenus d'un.e professeure de Yoga

Un métier anxiogène

Des horaires de travail qui isolent

Une sous-valorisation du Yoga en société

Ceux qui survivent


Le métier de professeur.e de Yoga

Pour commencer, bien qu'il soit juste de reconnaître cette profession oralement ou juridiquement, il ne s'agit pas encore d'un métier en tant que tel. Je m'explique. Un métier devrait pouvoir permettre à la personne qui l'exerce d'en vivre. Or, à l'heure actuelle nous sommes loin du compte...très loin.


Rangé dans la section Sport et Loisirs par l'État et Instagram alors qu'il s'agirait de le catégoriser dans "médecines alternatives, santé, bien-être et spiritualité/introspection".


Le métier de professeur.e de Yoga peut-être est loin d'être Zen.


Une trop faible demande par rapport à l'offre de travail

De plus en plus de personnes se forment en quelques mois laissant ainsi le secteur disposer d'une quantité impréssionante de professeur.e.s et une très faible demande en comparaison.


Ainsi, il existe peu d'opportunités de travail car le secteur est bouché avec un manque de moyens et une qualité de vie pas terrible.


Cela ne donne pas envie hein ?


Un secteur fermé

Les critères d'embauche peuvent être très discrimants, car les formations sont onéreuses et demandent du temps, avec un retour sur investissement souvent nul ou qui prendra un an ou plus à être compensé.


Les professeur.e.s sont souvent attendu.e.s pour candidater de prendre des cours dans le lieu (payants) ou une formation dans ce même lieu. Dans ce même esprit, parfois iels vont être embauché.e en fonction de à quoi leur corps ressemble pendant ces séances (flexiblilité) alors que ce qui fait un bon professeur.e de Yoga n'a rien à voir avec la souplesse ou l'endurance de son corps.


Ainsi, en plus d'être un métier qui propose un train de vie précaire, il n'est pas ouvert à tout le monde; demander à un.e professeur.e d'avoir de multiples formations sachant qu'une coûte environ dans les 3000 euros et qu'on ne gagne pas assez pour vivre peut être vécu comme tiré par les cheveux.

Pourtant la valeur des formations est là et les professeur.e.s méritent d'être rémunéré.e.s à leur hauteur.


Pour finir, sur ce point, découlant de ces barrières à l'entrée, comme on dirait en économie, la place du réseau, d'ami.e.s dans le secteur, d'une histoire passionante et surtout exotique associée à le.la professeur.e, prend une place considérable à l'embauche au dépend des réelles compétences et compréhension/expérience/sensibilité personnelle de la pratique.

Cette dernière ne dépend pas de voyages à l'autre bout du monde, de la quantité de formations, ni de son passif familial ou contexte sociétal. Il s'agit d'une compréhension et exploration intime intérieure, indépendante de toutes circonstances.


Le titre d'auto-entrepreneur.se

Le désir d'utiliser le titre d'autoentrepreneuse.r réside dans l'indépendance qu'il permet. Pas de patron.ne, pas de règles imposées par quelqu'un d'autre sur la façon d'organiser sa journée, de travailler, d'utiliser son plein potentiel de créativité, de leadership, d'accomplir de petites tâches et de grandes tâches et de ne pas être prisonnier.e d'un titre de poste et de méthodes définies par l'entreprise.


Et pourtant, de nombreux enseignant.e.s, qui partagent ces valeurs et cette sensibilité, se retrouvent dans des contextes inconfortables voir stressants. Iels peuvent être "licencié.e.s" à tout moment, en quelques heures ou semaines ou mois selon si le lieu souhaite changer de professeur.e pour en mettre un.e plus connu.e par exemple. Iels peuvent avoir des pressions pour s'habiller d'une certaine manière, sur ce qu'il faut dire et ne pas dire à leurs élèves, faire leur cours d'une certaine manière. On peut également, cela est très répandu, leur faire comprendre que s'ils ne remplissent pas la salle de tant de personnes en x mois / semaines alors iels peuvent dire adieu à leur opportunité de travail.


Peut-être parce que le titre ne bénéficie pas de la protection du travail via un CDI ou CDD, la possibilité d'organiser une manifestation pour s'exprimer ne semble pas être une option considérée.


De plus, le titre d'autoentrepreneur.se est précaire car il ne permet pas d'emprunter à la banque ou de louer un appartement. Comme les revenus ne sont pas fixes et faibles, à moins que le.la professeur.e gagne beaucoup ou dispose d'autres revenus, il semble difficile de trouver un appartement pour y vivre. A titre d'illustration, via une recherche internet, il est dit que le seul moyen serait d'être colocataire, ou de partager une chambre au sein d'une autre famille... Cela peut aller quand on a 19 ans, maintenant à 25-30 ans ou plus...


Les revenus d'un.e professeure de Yoga

Une majorité des professeur.e.s sont embauch.é.e.s en tant qu'auto-entrepreneur.se avec une taxe de l'Urssaf sur leur chiffre d'affaires (le montant gagné en fin de mois) de 21,3% à 22% et une taxe des impôts des entreprises annuelle de 72 euros sur Paris (pour la culture G). Sachant que le chiffre d'affaires ne correspond pas au profit. Il s'agit de ce qui est gagné sans prendre en compte les dépenses liées l'activité. La somme allouée à la retraite semble être...quasi inexistante. Ce qui peut être préoccupant si l'on souhaite en faire son métier de vie.


Les dépenses d'un.e professeur.e concernent, les transports, le matériel si besoin est, l'assurance, la location (si une salle est louée), éventuellement d'autres dépenses comme le site internet, les cartes de visites...et on ajoutera : le temps. Car sans CDI, CDD, un.e professeur.e est demandé.e d'intervenir 1h à 2h dans un lieu. Parfois plus mais attention à plus. *Lire également la section "Un métier anxiogène".


Ce métier n'est pas comme les autres il est demandant physiquement, intellectuellement, émotionnellement et spirituellement on ne peut enchaîner des heures d'affilée sans de bonnes pauses. En une heure, on doit puiser dans ses ressources d'anatomie, de thérapie, de vente, de capacité de présence, d'écoute, de pédagogie, artistique, d'orteur.trice/expression orale, de langue, d'attention... Cela est proche de l'énergie demandée pour faire un exposé/une présentation à un jury/speach toutes les heures si vous voulez.


Beaucoup acceptent des rémunérations très basses de salle de sport mais également de studios, d'associations et de personnes en recherche de cours privés. Les intermédiaires qui embaûchent pour les entreprises prennent à partir de 25% sur le revenu horaire du.de la professeur.e.

On doit alors enseigner plein d'heures en s'exposant au surmenage. Avec comme sentiment une trop faible reconnaissance de la valeur du service donné.


À présent, à vos calculs, prenez en compte le temps de déplacement pour aller d'un lieu à un autre qui embauche en général pas plus de deux heures d'affilées minus les dépenses tout en se laissant une marge pour payer les dépenses du quotidien (eau, électricité, loyer, nourriture etc). Avec la même rémunération les jours fériés et les samedis et dimanches.


Dans ces calculs, il nous faut prendre en compte un autre élément. Ne pas être embauché.e.s en CDD, CDI c'est ne pas être rémunéré.e si on tombe malade ou doit annuler un cours pour raisons personnelles.


Un métier anxiogène

Il est difficile de prévoir son revenu du mois car si le cours ne compte pas assez d'inscription il peut être annulé, sans être rémunéré. Cela est plus que fréquent dans le milieu.


D'autre part, non seulement il est dur d'en vivre, voire impossible (lire la prochaine section) mais cela est vrai aussi pour les structures qui payent les services des professeur.e.s. Ainsi, le nombre d'heures n'est pas assuré...mais pis encore...en fin d'année la structure peut se voir obliger de mettre fin aux cours sous justification qu'ils ne sont pas assez remplis. Cela arrive régulièrement depuis la période Post Covid.


Il est également à prendre en compte, le temps de travail "invisible", la communication régulière sur les réseaux et autres moyens mis en place, les articles ou podcasts (tout contenu créatif), la gestion administrative, le temps de pratique personnelle et d'étude qui sont nécessaires à ce métier.


Pour finir, sur ce point, si vous idéalisez le secteur du Yoga comme bienveillant et empli de paix...vous risquez d'être déçu.e voire choqué.e. Les défis sont communs à tout autre secteur, des professeur.e.s exploité.e.s perçu.e.s comme marchandises par les studios, une demande implicite de leur part d'assurer la partie communication et marketing des cours, des embauches sous conditions de solliciter le réseau du.de la professeur.e dans l'attente qu'iel remplisse le cours avec son propre réseau d'élèves, des lieux qui demandent aux professeur.e.s d'assurer le ménage, de préparer la salle de pratique (cela est très répandu au même titre que la demande de marketing), d'ouvrir et de fermer le lieu, de participer à des stands gratuitement, d'enseigner gratuitement pour un lieu pour faire la promotion des séances, des communications internes aggressives et non respectueuses, l'existence d'harcèlement sexuel ou moral (culpabilisation -toxicité)... Tout cela reflète une importante partie du secteur du Yoga.


Des horaires de travail qui isolent

Lié au caractère anxiogène du métier par son instabilité financière, enseigner le Yoga à plein temps c'est vivre à des horaires particulières. En effet, les cours ont majoritairement lieu, le matin très tôt de 7h à 9h-10h, le midi et le soir de 18h à 22h.


Remarquez qu'il s'agit des heures de sortie du lit, de repos ou de sociabilité, repas dans un cycle journalier. Travailler le soir c'est ne pas sortir voir ses ami.e.s ou se rendre à un évènement. C'est aussi perturber son cycle du sommeil. (Bien que quel délice d'enseigner en soirée).


Les heures d'enseignement peuvent également bousculer la digestion. Les asanas (poses) massant le système digestif, il n'est pas recommandé de manger avant de pratiquer, on parle de 4h avant. Pour un.e professeur.e, il pourra, alors, s'agir de soit se mettre au jeun intermittant, ou partiel soit d'enfreindre cette recommandation.

La santé digestive est directement liée à sa santé émotionnelle et sa stabilité intérieure. En tant que pratiquant.e il nous est évident qu'un rythme de vie sain adapté est d'une grande aide afin de vivre à son plein potentiel.


Une sous-valorisation du Yoga en société

Un dernier obstacle très rencontré correspond à : l'ignorance de la valeur et des apports du Yoga. Il nous est plutôt aisé, selon ses revenus, de dépenser de l'argent pour se rendre au restaurant, s'acheter des bières, un abonnement netflix pour le mois, un iphone, des vêtements, des chaussures, du maquillage, des voyages...or on observe que dépenser pour une pratique qui a le potentiel de transformer son quotidien, son bien-être émotionnel, mental, physique, énergétique, existentiel...semble être sujet à une recherche d'économie d'argent. Pourtant, on parle d'apports sur le court terme et long terme, un changement radical de notre rapport avec la vie et de nous-mêmes. On parle d'une technologie telle qu'il est possible de réaliser notre potentiel et de vivre à notre potentiel.


Alors que l'intention de ces outils est introspective et portée sur l'éveil on considère le Yoga encore bien trop comme un sport ou de la gym, un loisir. Or le Yoga ce sont des méthodes (variées) de reconnexion à soi, d'expérimentation de la sérénité, du calme, de développement de sa clarté, d'ouverture à de nouvelles perspectives, de prise de recul sur les pensées, de retrouvailles avec son libre arbitre, avec ce qui nous anime, d'aiguisement de sa compréhension de soi et des autres, de vivre consciemment pleinement, de réaliser ce qui nous appelle au plus profond de nous, ce que l'on sait être possible, ce qui résonne et que l'on négigle plus on grandit, qu'on éteint avec des peurs et des distractions. C'est une aventure intérieure digne de romans et de films de science-fiction et pourtant c'est bien la vie qu'on explore. On y cultive des qualités de bienveillance, d'écoute, de douceur, de lucidité, de stabilité intérieure, et là encore : d'éveil.


Ceux qui survivent

Il y en a qui s'en sortent bien ou du moins, mieux que les autres. Ce sont pour la pluspart eux.elles qui véhiculent une image idilique du métier. Qui sont-ils ?


Rares sont les professeur.e.s jeunes (débutant dans le milieu, sans réseau) qui travaillent à plein temps, il faut avoir été foudroyé par un éclair de passion et de détermination -quitte à être à la rue, ou avoir un soutien financier et/ou matériel extérieur (famille ou autres) pour se lancer sur du long terme. Je suis dans cette catégorie.


La majorité des professeur.e.s ont en font une activité parallèle à un métier principal, en entreprise, en banque, ou autres. Ces derniers jouissent d'un supplément financier par leur enseignement post travail. Il leur est alors plus aisé d'accéder à des formations et voyages, d'avoir du réseau en entreprise et de potentiels élèves intéressé.e.s. Cependant, ils n'échaperont pas au possible burn out que les deux activités maintenues pourraient engendrer.


Un dernier groupe pourrait être mentionné, le plus traditionnel sans doute (dans le sens de parcours prédéfini), ce sont d'ancien.n.e.s élèves, qui vers les 40/50ans commencent à enseigner après une pratique de 15-20 ans et des enseignements par-ci par-là. Ayant accumulé sur plusieurs années leurs élèves ainsi que leur budget financier iels arrivent à un âge et moment de leur vie où il leur est plus facile d'en vivre.


On pourrait ajouter également ceux de la New Age qui soutiendraient leur activité par des partenariats, des ventes de vêtements et d'objets. Ainsi, qu'une distinction entre les professeur.e.s enseignant une forme de séance proche des attentes sociétales (cardio, ambiance sportive, performance) qui sont beaucoup plus sollicités que les séances douces, méditatives, contemplatives.


Le métier de professeur.e de Yoga est pourtant une incroyable façon de servir les autres. Aussi enrichissante pour les élèves que pour le.la professeur.e. Tellement que, son caractère unique et gratifiant dépassent les mots. Rares sont les métiers qui combinent autant l'aspect créatif, entrepreneunarial, spirituel, études continues et gratification sur le plan humain et contemplatif.


Marie Mazeau porfesseure de Yoga Paris méditation douceur Lifexploratrice

Marie Mazeau, Lifexploratrice, professeure de Yoga certifiée à plein temps à Paris, spécialisée dans les séances douces, joyeuses, pédagogiques et méditatives en ligne, en individuel, dans les associations, les entreprises et les studios.


 



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